Arrivé à destination, Petitpas sauta sur le pont. A l’aide d’une corde, il amarra le frêle esquif, tandis que débarquait la petite horde, composé des petits êtres. Le guerrier serra l’amarre, d’une telle force rare, qu’elle fut sur le point de se briser. Enfin, il se retourna, et là, ne tint guère mots. A proximité, s’étendait un château aux grandes tours de marbre, tel un soleil (c’est marbré un soleil ?).
Il n’en croyait pas ses yeux. Ce n’était pas la première fois qu’il voyait ce merveilleux spectacle. Mais, à chaque passage son étonnement grandissait davantage. Ces compagnons eurent la même réaction.
En contemplation devant ce magnifique édifice, ils ne prirent guère attention aux quelques flèches encochées dans leur direction. Une voix tonna
- Qui êtes-vous ? Présentez-vous ?
Détournés de leur principale préoccupation, qui ne l’était plus, les visiteurs rivèrent leurs yeux, déjà ébahis, pour admirer un homme de grande stature qui se tenait désormais devant eux.
- Aileronde, seigneur des elfes. Je viens en ami…
Aileronde était un elfe d’une majesté implacable. Il arborait avec ostentation une longue toge blanche de pureté et d’éclat. Ses longs cheveux noirs, ornés d’une couronne argentée, descendaient tout au long de son dos. Il marchait tel une star grimperait les escaliers recouverts du tapis rouge.
- Qui êtes-vous ? Présentez-vous ? Répéta t-il avec assurance.
- Je n’ai aucune raison de vous donner mon nom, étant donné que vous le connaissez déjà.
Le roi ria de bon cœur. Tous alentour firent de même, mis à part les quatre rabbits qui n’avaient aucune idée de la nature de la blague.
- T’as vu quelle blague que je t’ai faites ! C’est été drôle !
Ils se serrèrent dans les bras. Petitpas se permit d’ajouter.
- Je vois que tu n’as pas amélioré ton apprentissage dans le langage humain. T’es toujours aussi nul mon pote !
Ils se sourirent mutuellement et se mirent en marche.
Ils traversèrent le fleuve Minimini, qui ondulait à travers le royaume, transportant sa couleur bleu azur signe de joie.
Le roi et Petitpas se tenaient par les épaules comme les meilleurs amis du monde. Derrière eux l’escorte elfique pressait le pas pour rejoindre leur poste respectif. Froton était à la traîne accompagné de ses amis.
- M’est avis que ce seigneur est le plus despote de tous ceux qu j’ai connu.
- Qu’est-ce qui te fait dire cela ? Demanda Zam.
- Tout et rien.
- T’es logique comme type, toi !
- Bon ce n'est pas tout, mais il nous faut les rejoindre.
Ils suivirent donc la troupe vers les grandes portes d’or. Ils s’engagèrent dans l’entrée, plus spacieuse comme jamais ils n’en avaient vu. Petitpas, loin devant, pivota dans leur direction.
- Alors, qu’est-ce que vous attendez, magnez-vous !
- On arrive! S’écria Peps.
Ils coururent vers l’homme pour enfin se retrouver dans la salle de réception. Nombreux elfes se trouvaient déjà là, assis à de grandes tables rectangulaires. Aileronde s’installa sur le siège présidant la salle. A sa droite, Petitpas était debout, n’attendant que les jeunes rabbits, qui eux s’installèrent à la gauche du seigneur.
Tous se levèrent dans un silence de mort.
Aileronde leva son verre. Tous firent de même. Le roi prit son aspiration.
- Mes chers sujets, connaissez-vous l’histoire de « Tchac-tchac la girafe » ?
(En réalité il parle en elfique, mais pour ne pas vous embêter, je vous ai tout de même traduit ce passage.)
- Non ! Répondirent-ils tous en cœur.
- Alors c’est l’histoire d’une girafe. Un hélicoptère passe alors, et « Tchac-tchac la girafe »
Les elfes s’esclaffèrent de rire tout en buvant leur coupe de bière « ailerondisée »
Le souper se passa à merveille. Les craintes de Froton n’avaient pas lieu d’être. Lui aussi s’amusait beaucoup. Merryc et Peps dansaient, chantaient, encouragés par l’assemblée. Bien sûr, les femmes elfes n’étaient pas conviées au festin, ce qui n’empêcha pas à Petitpas d’aborder une ou deux serveuses.
Pour clore la soirée, seigneur Aileronde prononça un discours (toujours en langue elfique)
- Mes chers sujets, quelle bonne soirée avons-nous passé là. Comme à chaque fois, je vous promets une bonne blague de fin de journée.
En effet, pour ceux qui ne le savent pas encore, la coutume elfique était que le roi, à toute fin de journée, citait une des nombreuses blagues qu’il avait dans son répertoire. Car, pour être seigneur d’un royaume elfique, il fallait connaître un certain nombre de blague. Il n’avait ni besoin d’une intelligence quelconque, ni d’une intelligence particulière.
Aileronde prit donc la parole (désormais vous savez pourquoi)
- Monsieur et monsieur Dudirect on deux filles, comment s’appelle t-elle ?
L’assemblée ne dit mot, ne sachant que répondre. Aileronde donna donc la solution.
- La réponse est : Lisa et Léa, car « les aléas du direct »
Comme c’était drôle (ou du moins censé), le peuple ria de bon cœur. Ils levèrent leurs verres et burent à la santé du roi.
Petitpas goûta à leur succulent mets et bu le breuvage qui lui était présenté. Stupéfait, il s’adressa au seigneur.
- Quelle est donc la nature de ce liquide merveilleux ?
- Du thé à la cannelle avec un zeste de…
Soudain, l’ambiance joviale fut effondrée par l’arrivée d’un homme. Les portes s’écartèrent. Froton ouvrit de grands yeux et éclata de joie.
- Gendafly (prononcé J.E.N.D.A.F.L.A.Ï, n’oublions pas) !
Le magicien était usé par la pluie qui tombait dehors. Ses habits déchirés laissaient entrevoir un torse squelettique. Les rabbits accoururent vers lui.
Derrière l’homme, cinq elfes s’introduirent dans la salle.
- Il est entré sans frapper, fit l’un.
- Qu’est-ce que tu raconte, bien sûr que si ! Il nous a frappé ! Dit un autre.
- Tu as raison, confirma un troisième.
Aileronde se leva. Il dit en elfique.
- Ne vous inquiétez pas, c’est un ami de longue date. S’il vous a frappé, c’était certainement pour exprimer sa joie d’être parmi nous.
Il pivota pour s’adresser au magicien.
- Alors, qu’est le bonne vent qui ici t’amène?
- Mon seigneur, je préfèrerai mille fois que vous parliez dans votre langage plutôt que vous détruisiez le nôtre avec votre syntaxe inexacte et ridicule.
- Mais, vous comprendrez moi pas.
- M’en fiche ! Fit-il, las de toute conversation avec Aileronde. Venons en plutôt au fait.
Gendafly s’approcha de la table où trônaient Petitpas, aidé par ses petits amis. Il murmura au guerrier une chose inaudible aux oreilles de Froton qui s’empressa de demander la cause de son retard.
- C’est une longue histoire mon ami, dit le magicien en baissant la tête.
*
***
Gendafly se trouvait devant les portes d’Issenguarde, lorsque Sarwoman, son supérieur, vint l’accueillir. Tous deux font partis d’une organisation ou plutôt d’une race composée essentiellement de magiciens ; celle des Isterics.
Sarwoman est un mage blanc doté d’une longue barbe et de petits yeux noirs. Il est le gouverneur (entre guillemet) de la partie issenguardienne de la Terre du Centre. Le magicien gris s’avança.
- Votre affabilité à accueillir vos hôtes n’a pas changé.
- En effet, comme vous pouvez le constater. Mais qu’en est-il de vous ? Comment s’est passé votre voyage ?
- Je n’ai eu affaire à aucun gène. Tout s’est passé pour le mieux.
- Parfait. On ne peut mieux. Alors, dans quel but êtes-vous revenu me voir ?
- C’est vous qui me l’aviez demandé.
- Ah ! Oui, peut-être !
- On en parlera dès que l’on sera à l’intérieur.
Ils s’introduisirent donc dans l’immense tour noire et montèrent les escaliers jusqu’à la « Chambre de prédiction » Sur un socle trônait le Vassandire ; une sphère pleine, d’où émanait une aura ténébreuse.
En entrant dans la pièce, Gendafly l’aperçu et fut stupéfait.
- Vous possédez encore cette chose maléfique ? Demanda t-il, effrayé.
- Cette chose maléfique, comme vous la nommez, nous aidera dans notre tâche, répondit Sarwoman l’air froid.
- Comment ? De quelle sorte de tâche voulez-vous parler ?
- Celle de conquérir le monde, bien sûr.
Il ajouta un rire sardonique. Puis le silence s’installa entre les deux hommes. Le regard de Gendafly se remplit de colère. Il protesta.
- Depuis quand notre supérieur est-il corrompue ?
Sarwoman empoigna son long bâton, le dirigea dans la direction de Gendafly et prononça.
- Kâzdham !
C’est alors qu’une force invisible entraîna Gendafly contre le mur. Il retomba violemment.
- D’après vous, commença le magicien corrompu en se rapprochant de lui, comment pourrait-on survivre contre les forces du mal en ces temps actuels ?
L’homme à terre redressa la tête pour le regarder dans les yeux.
- En tous cas, pas en se ralliant à lui !
Gendafly se releva et enfourcha son bâton.
- Kâzdham ! Cria t-il sans pitié.
Sarwoman, à son tour, se vit mettre à terre dans un fracas plus que bruyant.
Un combat étonnant commença alors, entre maître et élève, entre dire et magie.
- Vous nous avez trahit ! Hurla Gendafly.
- N’en ai-je pas le droit !
Désormais tous deux étaient debout. Sarwoman usa de sa puissante magie pour vaincre son adversaire. La bataille ne fut pas longue. Le maître abattit son élève facilement. Pour décrire quel que soit peu le duel, on pourrait dire que Sarwoman prit immédiatement le dessus en dépit des efforts qu’a effectué Gendafly pour le contrer. Il le souleva dans les airs et, à intervalles réguliers, le fracassa contre le sol. Le final ne fut que plus spectaculaire. Suspendue en l’air, par on ne sait quelle magie, Gendafly écoutait Sarwoman divulguer des sujets nullement intéressant. Ne voyant sur le visage du magicien que de l’impassibilité, le mage blanc décida de l’éjecter violemment au ciel, première étoile à droite, grâce à un des nombreux sorts de sa panoplie du parfait petit magicien (version « plus qu’expert ») Gendafly fut alors projeté en direction du plafond. Il eut seulement le temps d’ajouter ceci.
- Sarwoman, c’est un nom de fille !
Il s’évapora.
Le magicien blanc leva la tête et soupira.
Pfft ! Quel c… (Censuré) !
Dans l’obscurité des nuits perpétuelles, piégé en haut de la grande tour d’Issenguarde, Gendafly errait dans les ténèbres à la recherche d’une lumière. La pluie tombait à flot et fouettait son visage de vieillard. Il se blottit alors contre lui-même, attendant que cela s’estompe.
Sarwoman apparu soudain devant lui. Gendafly resta impassible, paralysé par le vent glacé.
- Voilà ce que je réserve aux véritables traîtres, dit le maître d’une voix rauque.
- Je vous ferais goûter à cette torture !
- En auriez-vous seulement l’occasion.
Gendafly, emplit de colère, ne savait que faire. Il n’avait que deux solutions, soit il se contrôlait, soit il s’abattait sur son ennemi bien qu’il sache que la défaite serait inéluctable. Sage et consciencieux, il s’abstient.
Sarwoman fit un pas en avant puis il rugit une formule que l’on pourrait qualifier de magique.
- Hafrat Zambabwe !
Le bon magicien s’envola dans les airs tel un aigle se préparant à fondre sur sa proie puis retomba brusquement au sol tel un jeune pigeon pas très doué tombant du nid.
Tout en discutant, Sarwoman continua à jouer avec son pantin pour enfin lui apporter le coup de grâce.
- Voilà, mon cher élève, lança t-il ironiquement, désormais, vous voyez bien ce qu’il en coûte de s’attaquer à plus fort que soit.
Gendafly murmura quelque chose, inaudible à l’oreille de son persécuteur.
- Vous n’aurez plus qu’à vous repentir en enfer.
Il fit un geste avec son bâton et Gendafly tomba dans le vide. Sarwoman s’approcha du bord de la tour pour contempler la chute de son adversaire. Cependant ce qu’il vit ne fut pas un corps dégringolant lourdement dans l’obscurité mais un homme à dos d’aigle, filant à toute allure, à travers l’aube brumeuse.
***
*
- Voilà, c’est ainsi que cela s’est produit.
- Quelles épreuves avez-vous dû subir mon ami ! Dit Froton compatissant.
Il se tut. D’un geste brusque, il prit la chope qui se trouvait devant lui. Il l’ingurgita d’un trait et son expression devint alors amère.
- Quelle est donc la nature de cet horrible breuvage ?
- C’est du thé à la cannelle avec un zeste de citron.
- Nonnnnnnn !
Il s’enfuit en courant. Aileronde regarda Petitpas dans les yeux.
- Il n’a pas l’air d’apprécier.
- Bon, ce n’est pas grave, dit le seigneur toujours en elfique, nous pouvons nous passer de lui pour faire la fête.
Il fit de grands signes.
- En avant, MC Solaire, musique.
Les tambours raisonnèrent, les guitares s’exprimèrent à leur façon, les trompettes poussèrent leurs cris.
Belle la terre, si je crève voici mon testament, déposer des cendres dans la gueule de tous mes opposants…
La musique adoucie les mœurs, n’est-ce pas ?
- Tu l’as dit bouffi.